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L’éditorial du Président

De la conférence de Stockholm de 1972 à nos jours : l’histoire d’une conscience collective qui s’est révélée puis qui a été trahie. De cette saga aux activités de l’association TDVN 83

Préambule

Notre volonté d’inscrire, en priorité et simultanément, les activités de l’Association TDVN 83 dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la sensibilisation du public ainsi que dans le cadre de la promotion du développement durable (soutenable diront certains) n’est pas le résultat du caprice d’un groupe d’individus velléitaires, mais le fruit d’une réflexion soutenue par le constat de la dégradation de notre planète.

Dégradation de notre planète

Dégradation, le mot est bien léger quand on considère la saga des conférences « de la Terre » sur la période de ces dernières quarante années et l’atmosphère qui y régna… Je la retrace ci-après. Dégradation, le terme à employer devrait encore peser plus lourd quand on contemple cette série d’espoirs et d’échecs, ces successions de grands moments d’envolées sur le nécessaire arrêt du déclin de planète et les réflexions désabusées sur le constat d’impuissance de la communauté des Chefs d’Etats à trouver des terrains d’entente.

Qualifier leur attitude ? Un « Courage, fuyons » me semblerait bien adapté.

Dans de pareilles conditions, œuvrer pour la défense de l’environnement en dénonçant les abus, en mobilisant les citoyens, paraît certes indispensable. TDVN 83 a préféré choisir une autre voie moins spectaculaire, mais autant utile et ingrate : éduquer et former les jeunes (nos programmes type « Le Sol m’a dit », « La Forêt m’a dit » etc.), sensibiliser le grand public (nos activités « Eco gestes »), et les Elus (nos programmes PMA œuvrant pour la mise en œuvre du « baromètre du Développement Durable » et des « agendas 21 ». N’oublions pas que si ces dernières actions sont l’un des résultats du sommet de RIO, leur mise en œuvre dépend de la bonne volonté des Elus : quelle responsabilité !).

La Saga des conférences « dites de la Terre »

Stockholm 1972, (Conférence des Nations Unies sur l’environnement), alerte, pour la première fois le monde à grande échelle, sur la dégradation rapide de l’écologie mondiale.

Convention sur les changements climatiques, 1992 : 20 ans après Stockholm ont été nécessaires pour faire les premiers pas vers un avenir plus sûr : la Convention de 1992 a voulu consolider les Etats membres à agir dans l’intérêt de la sécurité humaine, même dans le contexte d’incertitude scientifique.

Elle a affiché l’objectif de stabiliser les concentrations des gaz à effets de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toutes perturbations anthropiques dangereuses du système climatique.

Cette convention, signée à New York est entrée en vigueur le 21 mars 1994. La France l’a signée le 23 juin 1994.

Le Sommet de la Terre de Rio, en 1992 :

Dans le climat d’optimisme (après la chute du Mur de Berlin) de l’époque, cette conférence connut un éclat retentissant. Deux traités importants, sur le climat et sur la biodiversité, étaient signés. 

On déchanta en 2002 lorsqu’on voulut faire le point des résultats acquis depuis la conférence de Rio. La conférence de Johannesburg chargée de cette tâche s’inscrivit dans un climat d’échec et de vaines promesses. On démontra que les pays du Nord n’avaient pas assumé leurs responsabilités. Les ressources libérées par la lutte contre l’Union soviétique n’avaient pas été réorientées vers les pays en développement.

Le concept de développement durable s’était largement diffusé, mais pour beaucoup, « il était plus un mot de passe pour recevoir des subsides, sans parler de son utilisation comme idéologie par des pouvoirs économiques pour des pratiques précisément à l’origine de la non-durabilité. Il n’y a pas de développement durable pour le Sud, sans un questionnement des pratiques et de la pensée socio-économique du Nord. Mieux encore, il n’y a pas de développement durable, au temps de la mondialisation de l’économie, sans une vision globale du problème, qui insère toute l’humanité dans ses perspectives » [1]

Ce fut le début de la fin de l’idéologie néolibérale : l’idée que « plutôt que les Etats, les entreprises et le marché résoudraient tous les problèmes » avait montré ses limites. On commença à reparler du retour des Etats, de la régulation, de l’action publique.

Autres points à souligner : la crise écologique s’était aggravée et la responsabilité étendue. Tout n’est pas de la faute des pays riches : le poids de la Chine ne l’autorisait pas à se dégager du jeu.

Protocole de Kyoto, 1997 :

Lorsqu’ils adoptèrent la Convention de 1992, les gouvernements savaient que leurs engagements étaient insuffisants pour sérieusement affronter et maîtriser les changements climatiques. Après deux années et demie d’intenses négociations, le Protocole de Kyoto fut adopté à Kyoto au Japon, en 1997. A l’issue de la troisième réunion des pays signataires de la convention de Rio, 38 pays industrialisés se sont engagés à réduire les émissions de six gaz à effet de serre en signant le Protocole de Kyoto : CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6.

Ces pays industrialisés se sont engagés sur une réduction de leurs émissions de 5,2% en moyenne entre 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Les pays en développement sont exemptés d’engagements chiffrés afin que leur développement ne soit pas remis en cause. Cependant, la complexité des négociations laissa un nombre considérable de points à régler, même après l’adoption du Protocole de Kyoto. Si ce dernier avait défini les lignes principales des mécanismes de respect des engagements, il était quasi muet sur les règles importantes pour les rendre opérationnels.

Bien que 84 pays aient signé le Protocole, beaucoup tergiversèrent pour le faire entrer en vigueur. Un nouveau cycle de négociations fut lancé en vue d’ébaucher le règlement du Protocole de Kyoto. Ce n’est guère qu’avec l’adoption des Accords de Marrakech en 2001 que les règles détaillées de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto furent mises en place.

Pour entrer en vigueur, ce protocole a dû être ratifié par plus de 55 pays totalisant plus de 55% des émissions de gaz à effet de serre. L’Union Européenne et de nombreux autres pays ont ratifié le protocole en 2002. La France s’est engagée à ne pas émettre en 2010 plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en émettait en 1990, soit 563,9 millions de tonnes équivalent CO2. La Russie a ratifié l’accord fin 2004 ce qui a déclenché l’entrée en vigueur du protocole. En 2007, l’Australie l’a ratifié.

Les Etats-Unis, les plus gros pollueurs de la planète, enfermés dans leurs égoïstes certitudes, se sont retirés du protocole en 2001. Actuellement, il y a 191 États au Protocole de Kyoto.

Pour respecter le protocole de Kyoto, l’Union Européenne a mis en place un programme d’actions et un système d’échange des droits d’émission des gaz à effet de serre.

Conférence de Montréal, 2005 :

Cette importante réunion internationale a été organisée pour affiner les instruments assurant la mise en œuvre concrète du Protocole de Kyoto.

Le bilan de cette conférence a été porteur d’espoirs, via la mise en place de discussions futures pour poursuivre les efforts internationaux (de nouveaux engagements devraient être pris pour les pays industriels engagés juridiquement par le Protocole de Kyoto qui s’efforceront donc de limiter leurs émissions au delà de 2012, date d’échéance du traité).

Un accord de principe a été trouvé entre l’UE, le Japon, le Canada et le groupe des 77 (dont la Chine et l’Inde) pour dialoguer sur les suites à donner à Kyoto, sans pour autant s’engager dans un processus de négociations. « Le texte est plus faible que souhaité mais l’essentiel est que le processus soit lancé »[2]. Sur un autre point, la volonté d’engagement des pays en développement était appréciée : « L’essentiel, c’est de voir nos partenaires du Sud désireux d’engager un dialogue. Maintenant il faut cristalliser cette volonté politique »[3]

Les États-Unis poursuivent leur perte de légitimité internationale en refusant toujours de s’engager sur des contraintes d’émissions en gaz à effet de serre. Ils acceptent néanmoins, considérant que le Protocole est une entrave à leurs intérêts économiques, de dialoguer sur les efforts à mener lorsque celui-ci sera arrivé à son terme en 2012.

Une surprise est venue de la Russie qui a bloqué aux dernières heures la conclusion des travaux. Plus d’une vingtaine de pays appuyés par la présidence canadienne ont réussi à débloquer la situation en faisant reculer Moscou avant que la conférence ne finisse sur un nouvel échec.

Les ONG ont marqué une certaine satisfaction : « Cette première rencontre historique des parties a reconnu l’urgence de la menace du climat pour les plus pauvres de la planète et à terme pour nous tous ».

Copenhague, 2009 :

La Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique qui s’est tenue à Copenhague en 2009 reste un échec quasi complet.

“L’Accord de Copenhague” demeure flou et très insuffisant. S’il affirme la nécessité de contenir le réchauffement à + 2 °C par rapport au début de l’ère industrielle, le texte final ne comporte aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020 ou 2050 et aucune obligation sur l’aide à l’adaptation pour les pays les plus pauvres et donc les plus exposés.

Les États-Unis et la Chine continuent de décevoir en restant sur des positions qui défendent un système de société irresponsable et intenable à court terme.

Finalement, à l’issue de cette conférence, chaque pays fait ce qu’il veut.

Cancún, 2010 :

Les négociations ont pris meilleure tournure qu’à Copenhague : les actions et objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont désormais officiellement reconnus et suivis dans le cadre du processus multilatéral, les acteurs s’engagent à essayer de trouver un nouvel accord, 100 milliards de dollars sont mobilisés pour combattre le réchauffement, la lutte contre la déforestation est réaffirmée, les transferts de technologies propres Nord-Sud se poursuivent, un Fonds vert est envisagé pour le climat. La Chine et l’Inde se sont impliquées !

Pour autant, l’emballement de la machine climatique se poursuit. Aucun accord global n’a en effet été conclu au Mexique.

Échec de justesse évitée à cette conférence : un terrain d’entente a été trouvé en dernière minute avec les principaux opposants à un accord, la Chine et l’Inde.

Néanmoins, l’accord global à minima sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre à partir de 2020 constitue un signal fort pour que les pays du monde entier s’engagent à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Les 194 pays doivent, avant 2015, déterminer les règles applicables à tous et réfléchir aux outils qui permettront de vérifier les engagements de chacun.

Les Parlements des différents pays devront s’engager effectivement à partir de 2020 sur des réductions d’émissions compatibles avec la limitation du réchauffement du climat de la planète à 2 degrés, même si pour l’instant cette ambition semble un vœu pieu, car les scientifiques expliquent que l’on est seulement à 60% des réductions nécessaires pour tenir le cap en 2020.

Donc, déclaration d’intention, mais essentielle : les pays pollueurs et réticents à toute mesure, comme la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie ou le Japon, (50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre) se trouvent engagés dans un processus qu’ils avaient jusque là cherché à éviter.

Cela étant, le niveau exact des ambitions de chacun ne sera jugeable que dans les prochaines années.

Prolonger le protocole de Kyoto

Le protocole de Kyoto, en vigueur depuis 2005, est à ce jour le seul traité international sur le climat. Il fixe des objectifs de réduction de gaz à effet de serre à une quarantaine de pays industrialisés, et ne concerne ni les USA ni les grands émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil.

Il a été heureux que ce protocole, invalide à partir de fin 2012, ait été prolongé par les 194 pays qui ont participé à Durban jusqu’en 2017 ou 2020, sinon on se serait trouvé sans cadre pour les réductions d’émission des pays industrialisés. Que vont faire la quarantaine de pays industrialisés de cet outil miraculeusement sauvé ? Les gros pollueurs que sont le Canada, la Russie et le Japon ont laissé entendre qu’ils n’en voulaient plus. On sait par ailleurs que ceux qui acceptent de s’engager dans une seconde période (UE, Norvège, Suisse, Australie ? Nouvelle Zélande ?) ne représentent que 16% des émissions mondiales.

L’accord de Durban permet donc de conserver l’outil. Reste à savoir ce que cette quarantaine de pays industrialisés va en faire. Ils ont jusqu’au 1er mai prochain pour se prononcer.

On sait déjà que l’Union Européenne accepte de s’engager dans une deuxième période, accompagnée sans doute de la Norvège, de la Suisse, et peut-être de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. Ce qui correspond à 16% des émissions mondiales.

Les ONG se sont manifestés dans les rues de Durban : le directeur exécutif de Greenpeace International déplore : « Les politiciens, les négociateurs et les pays comme les Etats-Unis qui sont historiquement responsables se comportent comme si il s’agit là des affaires courantes, ils oublient que des gens meurent maintenant et plus ils retardent le processus, plus ils font marche arrière, et plus ils plombent le futur de nos enfants. »

RIO + 20

Il s’agit pour les États de renouveler ou de formuler pour une première fois des engagements en faveur de l’Environnement et du Développement Durable.

Jusqu’à ce jour, et nous avons cherché à le démontrer, la communauté des Etats s’est montrée impuissante à vouloir affronter avec succès en se dotant des moyens appropriés à faire face, dans l’unité et la transparence, aux crises écologiques et industrielles qui simultanément l’ont secoué.

Or, ainsi que le souligne Philippe Le Prestre, professeur titulaire à l’Université Laval au Québec[4], les questions d’environnement et de développement durable ne se réduisent pas à des problèmes d’ordre technique. Elles sont inextricablement confrontées à différentes visions du monde, à des intérêts multiples et à des valeurs particulières.

Et le journaliste Robert Kempf de souligner dans «Le Monde» :
« Deux thèmes dominent la préparation de Rio + 20 : l’ économie verte et la réforme des institutions internationales. Les débats sont vifs : l’économie verte est-elle le nouvel habit du capitalisme, n’oublie-t-on pas en chemin le développement durable, l’ONU est-elle l’enceinte adéquate ? Et de nouveaux thèmes sont discutés… »

Deux questions nous interpellent :

La communauté des Étatssera-t-elle capable de mettre en œuvre des méthodes politiques et écologiques suffisamment congruentes et convergentes pour régler un sauvetage planétaire qui apparaît de plus en plus aigu à solutionner ? Saura-t-elle préserver le développement durable des ambitions et intérêts économiques excessifs qui peuvent le réduire au néant ?

Que pouvons-nous faire, nous associations de deuxième niveau, si ce n’est de relayer sans arrêt nos préoccupations concernant le développement durable au sein de la communauté du public et des Élus ? Évitons par là même le décrochage du citoyen convaincu d’être dépassé par les enjeux politiques nationaux et internationaux (y compris souvent par l’attitude défaitiste, fruit parfois de calculs politiques). Et poursuivons sans relâche nos interventions auprès des jeunes pour leur inculquer tout ce qui a manqué visiblement à leurs ainés et qui échappe sans doute aux « élites », pris dans l’âpreté de leur mission de gouvernance.
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[1] François Houtart, Editorial du n° d’Alternatives Sud : Quel développement durable pour le Sud ? , Vol II (1995), n° 4.
[2] Rapporté par un officiel français
[3] idem
[4] Philippe Le Prestre « Vingt ans après : Rio et l’avant-goût de l’avenir « – Editeur : 2305, rue de l’Université